Wiktionnaire:Actualités/066-septembre-2020
Actualités du Wiktionnaire
Wiktionnaire:Actualités est un journal mensuel sur le Wiktionnaire, les dictionnaires et les mots. Il est publié en ligne depuis avril 2015. Son écriture est ouverte à toutes les bonnes volontés. Vous pouvez recevoir un avis lors de la publication des prochains numéros, consulter les anciens numéros et participer au brouillon de la prochaine édition. Vous pouvez lire aussi les Regards sur l’actualité de la Wikimedia. Pour les commentaires, critiques ou suggestions, voir la page de discussion.
Brèves d’ici
- Suite à l’affaire de la Wikipédia en scots évoquée le mois dernier, une initiative collective a été engagée pour explorer les autres projets où peu de personnes contribuent. Pour la suite de l’histoire sur la Wikipédia en scots, voir les Regards sur l’actualité de la Wikimedia et d'ailleurs du mois. Metaknowledge, un contributeur anglophone, a rédigé un audit du Wiktionnaire en malgache (en anglais). Il présente les problèmes posés par une personne qui utilise depuis des années un script automatisé pour récupérer les contenus depuis d’autres Wiktionnaires, traduire les contenus au mieux et créer des milliers de pages. De nombreux problèmes sont également présents dans les mots malgaches. La préconisation à l’issue de cette étude est la suppression de l’ensemble du contenu ajouté de cette manière à l'exception des mots en malgache. Cet audit est devenu un modèle pour d’autres études sur des problèmes liés à de la création automatisée dans un projet où peu d’humains participent. Après trois semaines de discussion, la personne responsable de l’ajout automatisé a accepté de supprimer ses ajouts et a commencé au rythme fou de 50 000 suppressions par jour. Jusqu’ici, le Wiktionnaire en malgache contenait davantage d’entrées que le Wiktionnaire en français, ce ne sera bientôt plus le cas !
- Trois nouveaux espaces de noms sont en train d’être mis en place dans le Wiktionnaire. Le premier est dédié aux racines, qui peuvent être présentées séparément des mots entiers pour de nombreuses langues, permettant de présenter des listes de termes liés riches et pertinentes. Un premier exemple a été créé avec la racine kresk. Les deux autres espaces seront présentés dans le prochain numéro des Actualités !
- Darmo117 a développé un nouveau gadget pour détecter les sections de langue manquantes dans des listes de liens. Il est utilisable pour toute personne avec un compte utilisateur sur le site.
Statistiques
- Du 20 août au 20 septembre 2020
+ 12 088 entrées et 104 langues modifiées pour atteindre 4 098 611 entrées et 1 187 langues avec au moins cinq entrées.
+ 1 520 entrées en français pour atteindre 387 066 lemmes et 586 525 définitions.
Les trois langues qui ont le plus avancé outre le français sont le same du Nord (+ 7 213 entrées), l’espéranto (+ 963 entrées) et l’allemand (+ 694 entrées).
+ 5 nouvelles langues pour un total de 4 858 langues : l’ojibwa (+7), le nahuatl du Coatepec (+1), le nahuatl de Santa María la Alta (+1), le fingalien (+1), le nahuatl de l’isthme de Cosoleacaque (+1).
+ 3 705 citations ou exemples en français pour atteindre 444 564.
+ 224 médias d’illustrations (images et vidéos) dans les articles du Wiktionnaire, pour atteindre 50 983.
+ 7 841 prononciations (dont 3 156 pour le français) pour atteindre 218 931 prononciations audios pour 122 langues (dont 99 561 pour le français).
+ 8 nouveaux thésaurus pour atteindre 842 thésaurus dans 65 langues dont 596 thésaurus en langue française ! Les nouveaux thésaurus sont le clitoris, l’arc, le tir à l’arc et la flèche en espéranto par Lepticed7, l’art contemporain par Kvardek du et la bougie par Noé.
Wikiscan et Wikistats donnent chaque mois accès à beaucoup de mesures, dont la liste des pages les plus consultées et des pages modifiées par le plus de personnes.
+ 3 mots créés sur les 30 proposés dans les Mots du jour. Rentrée difficile !
+ 29 domaines sémantiques ont été ajoutés ! Voir la liste détaillée.
La rubrique Wiktionnaire:Questions sur les mots (WT:QM) a enregistré 34 questions en septembre contre 19 questions en août et autant qu’en juillet.
Brèves d’ailleurs
- Le site Dictionary.com vient de publier un communiqué de presse présentant une mise à jour majeure, avec la modification de plus de 15 000 entrées et l’ajout de 850 mots. dans la presse générale comme spécialisée sur les questions de genre, anglophone et francophone (et même grâce au catch !). Une mise à jour notamment sur les questions d’identité et de discrimination. Il s’agit d’un communiqué semblable aux annonces annuelles traditionnelles des dictionnaires Robert et Larousse, récemment imité également par le Wiktionnaire. Un choix de communication curieux pour un site internet dont la mise à jour se fait habituellement au fil de l’eau.
- Alexander Delaporte présente dans son carnet de recherche diverses méthodes d’analyses de la langue grâce aux outils informatiques, et il a présenté récemment une brève typologie des dictionnaires.
- Le linguiste Frédéric Landragin a publié dans le journal du CNRS une comparaison des différents systèmes de traducteurs automatiques dans la science fiction.
- Le présentiel, le distanciel, c’est démentiel. Saluons l’inventivité du quotidien français Libération qui, en une de son numéro du 16 septembre, traite des difficultés de la rentrée universitaire par ces mots : « Une rentrée en démerdentiel ». Un néologisme en une, c’est rare !
- Le 10 septembre est sorti en ligne le Diccionario visual del español de Venezuela, un outil de documentation de la langue espagnole telle qu’elle est en usage au Venezuela. C’est le fruit de cinq ans de travail sous l’auspice de l’académie vénézuélienne de la langue. Son fondateur, le lexicographe Francisco Javier Pérez en explique les origines dans un entretien en espagnol. Un des défis spécifique à ce projet portait sur l’illustration culturellement adaptée au contexte vénézuélien, au delà du choix des mots.
Dictionnaire du mois
- Pierre Cabard et Bernard Chauvet, L’Étymologie des noms d'oiseaux, Belin, 2003.
Spioncelle, macroule, casarca… le vocabulaire ornithologique fourmille de qualificatifs singuliers, poétiques et mystérieux. Et que dire des substantifs ? Bulbul, durbec, goglu, marouette, crave, bouscarle… Il fallait bien un dictionnaire pour nous éclairer sur l’étymologie des noms d’oiseaux : il existe, il est l’œuvre de Pierre Cabard et Bernard Chauvet, et c’est un vrai plaisir de lecture. Chaque espèce du paléarctique occidental (le livre ne traite pas des oiseaux plus exotiques) voit expliqué chacun des termes de ses noms français et latin. Ainsi la perdrix bartavelle, chère à Marcel Pagnol, dont le nom vient du grec perdo, péter, « allusion à l’envol bruyant de ces oiseaux et à leurs manifestations vocales », et du provençal bartaval : le loquet de porte dont le bruit rappelle la voix de la perdrix. Les auteurs détaillent les caractéristiques physiques et les mœurs des oiseaux nécessaires à l’explication étymologique et, pour appuyer leurs propos, expliquent souvent le sens des noms que prennent ces volatiles dans d’autres langues.
Le seul reproche que je puisse faire à ce travail est de ne pas l’avoir étendu aux appellations régionales des oiseaux, qui sont nombreuses : ainsi le traquet est-il appelé ouiquet à Montbéliard, taperiau dans le Morvan, floquet en Sologne, crechet à Nantes et criquet en Basse-Normandie[1]. Mais des noms suisses, belges et québécois sont mentionnés. Un article est même consacré aux noms des rassemblements d’oiseaux, peu variés en français mais très riches en anglais ! Peut-être en connaissez-vous pour compléter cette liste des rassemblements d’animaux ?
L’ouvrage est complété par les biographies sommaires des personnes dont les noms propres sont repris dans la nomenclature. Lire à propos de ceux qui donnèrent leurs noms à la tadorne de Belon, au pétrel de Jouanin, à la sittelle de Ledant ou au faisan de lady Amherst est une passionnante promenade dans l’histoire de l’ornithologie. À la lecture de cet ouvrage, on ne peut qu’être séduit par l’inventivité onomastique dont l’espèce humaine a fait preuve pour désigner la gent ailée. Initialement publié chez Éveil éditeur, ce beau dictionnaire est désormais disponible, dans une édition augmentée, chez Belin. Signalons que les mêmes auteurs ont publié une Étymologie des noms de mammifères : les mammalogues francophones s’en délecteront.- ↑ Christian Schmitt, Sur l’origine de quelques noms régionaux du tarier, sous la dir. de Jean-Claude Bouvier et Jacques Gourc, Sempre los camps auràn segadas resurgantas : mélanges offerts au professeur Xavier Ravier, Presses universitaires du Midi, Toulouse, 2003, ISBN 9782810710690.
L’antonymie contre-attaque
Je vous ai présenté le mois dernier les grandes familles d’antonymes. Étaient admis :
- les antonymes complémentaires qui s’inscrivent dans une binarité, tels que « ouvert »/« fermé » ;
- les antonymes scalaires, ou gradables, lorsqu’il existe deux représentants principaux sur une échelle de termes, comme « chaud » et « froid » ;
- les antonymes réversifs dont les couples représentent deux notions ayant une direction opposée (ici, direction dans un sens très large), comme « arrivée »/« départ », « nouer »/« dénouer » ou encore « haut »/« bas » ;
- les antonymes conversifs qui désignent les antonymes obtenus par inversion des rôles dans une phrase, comme « précéder »/« suivre », « proie »/« prédateur » ou « étudiant »/« enseignant ».
Pour plus de détails, voir la chronique du mois dernier.
Il est toutefois possible de pousser l’analyse des antonymes plus loin, en affinant les relations. Cette chronique s’appuie sur le guide d’encodage des contraintes (GEC), d’Anne-Marie Gagné. Si vous voulez en apprendre plus sur le sujet, je vous conseille vivement la lecture de ce guide.
La relation d’antonymie réversive peut être scindée en deux sous-relations, appelées Réversif 1 et Réversif 2 (pour l’originalité, repassez demain). Pour rappel, la relation d’antonymie réversive dénote un mouvement opposé ou un changement de direction entre deux stades. Les antonymes sont les verbes ou les actions qui décrivent le passage d’un état à l’autre. Pour distinguer ces deux sous-relations, il faut s’attarder sur le caractère absolu ou relatif des états :
- Réversif de type 1 : les deux états, initial et final, sont absolus dans le sens où ils n’ont pas besoin de l’autre état pour se définir. Ainsi, pour les antonymes « boiser » et « déboiser », les deux états sont « sans arbres » et « couvert d’arbres ». Ces états sont compris sans avoir besoin de se référer à l’autre.
- Réversif de type 2 : vous l’aurez compris, le type 2 concerne les états relatifs. Mais dis-moi Jamy, c’est quoi relatif ? Relatif signifie qu’un état a besoin d’un autre état pour être compris. Par exemple, « plus chaud » et « plus froid ». Les antonymes sont donc ici « refroidissement » et « réchauffement ».
Un nouveau type d’antonymie est ajouté, assez subtil à comprendre.
- Antonymes contrastifs : les antonymes de ce type permettent d’amener des contrastes. Je sais, j’ai défini contrastif par contraste. En fait, la définition de ce type d’antonymie est difficile. Le GEC définit cette relation comme une « relation d’opposition multiple, vague ou incluant des oppositions plus simples ». La manière dont il faut le comprendre est que les antonymes contrastifs ne sont pas aussi catégoriquement opposés que les autres types. Quelques exemples pourront aider : « fossile » (« issu de matière organique fossilisée ») et « renouvelable » sont des contrastifs. Il existe une opposition, mais elle n’est pas aussi forte que celle entre « renouvelable » et « non renouvelable ». À noter que si la relation entre « fossile » et « renouvelable » n’est pas aussi forte, c’est parce que « fossile » est un hyponyme de « non renouvelable ». Il ne capture donc qu’une partie de cette opposition. Un autre exemple est la relation entre « mondial » et « régional ». On comprend rapidement que la relation d’antonymie n’est pas aussi forte qu’entre « ouvert » et « fermé ».
Enfin, un deuxième nouveau type, appelé Opposé, sert à ranger tous les cas atypiques. Ces cas explorent les limites des définitions des relations. Je vous en donne un, assez facile à comprendre. (Les autres font entrer en jeu des changements de nombres d’actants. Si vous êtes intéressé·e, vous pouvez consulter le document) :
- Antonymes quasi-scalaires : alors que dans une relation scalaire, les deux antonymes sont situés à des distances équivalentes du point médian (comparez « petit » et « grand » à « de taille moyenne »), les quasi-scalaires admettent un déséquilibre. En gardant l’échelle de taille, on peut comparer « minuscule » et « grand », ou encore « gigantesque » et « petit ». Si on devait les situer sur un axe, ils ne seraient pas à distance équivalente du point médian, ici « de taille moyenne ».
Les collaborations de la semaine de septembre
Ces suggestions de créations, affichées sur la page d’accueil, ont été proposées par Noé et Sebleouf. Peu d’implication ce mois-ci, mais vous pouvez encore participer même après les dates indiquées !
Semaine 36 (31 août au 6 septembre 2020)
Semaine 37 (7 au 13 septembre 2020)
Semaine 38 (14 au 20 septembre 2020)
Semaine 39 (21 au 27 septembre 2020)
Semaine 40 (28 septembre au 4 octobre 2020)
Semaines suivantes
Collaboration du mois
La proposition du mois était de s’intéresser à la prononciation, avec le Projet:Prononciation (2020) et des discussions dans la Wikidémie sur les enregistrements audios. Difficile de faire un bilan, mais ce fut en tout cas le meilleur mois pour Lingua Libre depuis ses débuts ! Pour le mois d’octobre, la proposition est sur les locutions, les entrées qui sont formées de plus d’un mot !
Linguistique appliquée
Un article sur le site The Conversation par Julien Longhi, Alexandra Freeman et Cécile Jacob présente une approche de la langue et de la linguistique appliquée dont nous n’avons pas encore parlé dans ces lignes : l’attribution d’auteur. On appelle également cette discipline l’expertise en écritures. Que ce soit dans le cadre d’études littéraires ou d’une enquête policière, il s’agit de comparer un échantillon avec un corpus de textes afin de retrouver la personne qui en serait l’autrice. Les similarités seront dans les mots utilisés, mais aussi dans leur agencement et dans la rythmique du texte. On caractérisera ainsi le style d’un individu, son idiolecte, sa langue personnelle. Les méthodes évoluent et s’enrichissent grâce à une meilleure connaissance des langues et un outillage technique de plus en plus perfectionné. Les concordanciers viennent à l’appui des connaissances techniques et diverses informations paralinguistiques sont également prises en compte, telles que le papier et l’encre utilisés.
Ces approches sont très rigoureuses et bien distinctes des hypothèses de la graphologie qui prétend associer à des formes de lettres des traits de personnalité. Les déductions psychologiques de la graphologie ne s’appuient pas sur des éléments solides mais sur des interprétations personnelles et des préconceptions culturellement biaisées. Un artisanat à prétention scientifique qui n’atteint pas l’efficacité de la méthode expérimentale basée sur des données.À voir ou écouter
Quelques émissions audio ou vidéo sur la lexicographie, la linguistique et la langue française sorties ou découvertes ce mois-ci.
- Le réseau TV5-Monde accueille une passionnante émission sur la diversité du français dans le monde, L'Humeur de Linda, par Linda Giguère. Elle explore les régionalismes et divers thèmes sur les mots.
- La chaîne Youtube Elles comme linguistes propose une nouvelle vidéo sur la couleur des voyelles.
- Lyokoï et Darmo ont proposé une soirée en direct sur les gadgets du Wiktionnaire.
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