Par homophonie, c’en a été dans un premier temps confondu avec l’ancien français sen (« sentier »), avant d’être remplacé par sens lorsque sen est tombé en désuétude (la prononciation est néanmoins restée)[1]. De nos jours, l’expression est généralement comprise comme signifiant que ce qui était auparavant dans le sens du dessus (vers le haut) se trouve à présent dans le sens du dessous (vers le bas). La forme erronée sans dessus dessous (le désordre serait tel qu’il n’y aurait alors plus de haut ni de bas[2]) s’explique par le fait que le s final de sens est resté muet à cause de l’étymologie[1].
Nous avons en ce pays un précepte qui dit : Il faut aimer ce qu’on a et se passer de ce qu’on n’a pas. Je le pratique sens dessus dessous. Je me passe volontiers de ce que j’ai, mais ce que je n’ai point est pour moi le nécessaire.— (Octave Feuillet, Scènes et Proverbes, Michel Lévy frères, 1851, page 229)
Linge sale, torchons usagés et cahiers d’écolier jonchaient le sol, l’appartement était sens dessus dessous.— (Delphine de Vigan, Rien ne s’oppose à la nuit, J.-C. Lattès, 2011)
[…] ce vieux monde est partout le même, c’est-à-dire assommant. Et puisqu’on parle de faire du neuf, je demande qu’on le mette sens-dessus-dessous ; au diable tout ce qui est, et vive tout ce qui n’est pas !— (Julie de Quérangal, « Philippe de Morvelle » dans la Revue des deux Mondes, tome 2, 1833)
Un jour, les femmes cherchèrent leurs maris, les maris cherchèrent leurs femmes, les pères cherchèrent leurs enfants, et les enfants se crurent orphelins : tout était sens dessus dessous!— (Manuel de Cuendias & V. de Féréal, L'Espagne pittoresque, artistique et monumentale: moeurs, usages et costumes, Paris : Librairie ethnographique, 1848, chapitre 5, page 329)
La mettre sens dessus dessous, au contraire, cette pauvre littérature, par de l’invention, par de la passion, par de la nouveauté, par des initiatives quelconques, c’est un mauvais jeu que je ne conseillerais pas à mon plus grand ennemi de jouer...— (Jules Barbey d’Aurevilly, Les Ridicules du temps, E. Rouveyre et G. Blond, 1883, page 72)
Mais ne me dis pas que la Révolution établira l’égalité, parce que les hommes ne seront jamais égaux ; ce n’est pas possible, et l’on a beau mettre le pays sens dessus dessous : il y aura toujours des grands et des petits, des gras et des maigres.— (Anatole France, Les dieux ont soif, Calmann-Lévy, 1912, chapitre 2, page 25)
Lili avait enfin accordé sa main à un polytechnicien, et d’après le rapport de Hans Miller, la maison était sens dessus dessous.— (Simone de Beauvoir, Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958, réédition Le Livre de Poche, page 430)
Et comme ça toute la route, ç’a été un tas de mauvaises nouvelles des uns et des autres, et des histoires qui nous ont mis tout sens dessus dessous.— (Edmond et Jules de Goncourt, Manette Salomon, A. Lacroix / Verboeckhoven, 1868, tome 1, page 113)
Sers-moi un verre de chartreuse... j'ai le cœur sens dessus dessous... ça me remettra... de la verte, tu sais... la jaune est trop fade.— (Fortuné du Boisgobey, Double-Blanc, tome 2, Paris : chez Plon & Nourrit, 1889, p. 70)
Me voici mon grand en possession de ta seconde lettre désolée de te voir sens dessus dessous et aussi que tu l’écrives sans dessous dessus.— (Marcel Proust, Correspondance avec sa mère, Plon, 1953)
Je savais ce qu’il fallait répondre au vieux de Lassus pour le mettre sens dessus dessous.— (François Mauriac, Un adolescent d’autrefois, Flammarion, 1969, page 39)