Translations:Wiktionnaire:Actualités/064-juillet-2020/34/fr
S’il est bien un champ lexicographique fertile, c’est le sexe, et tout amateur de dictionnaires peut remercier Agnès Pierron pour son Dictionnaire des mots du sexe paru en 2010 chez Balland et ré-édité en poche depuis, chez différents éditeurs et sous différents formats et appellations. Sa lecture est réjouissante, et c’est un dictionnaire qui suscite une hilarité émerveillée, tant l’inventivité lexicographique du sexe est riche et joyeuse. On se souvient de la chanson de Colette Renard, Les Nuits d’une demoiselle, qui en 1963 se faisait empeser la chemise et remplir le vestibule : chaque génération éprouve le besoin de parler du sexe, que ce soit directement (voire crûment), avec humour ou en composant avec les interdits de son époque, d’où création de métaphores et de périphrases. Le langage étant le reflet de son époque, certaines locutions du passé nous échappent aujourd’hui : qui comprend encore ce qu’est un forçat du XIIIe arrondissement ? C’est un Parisien vivant à la colle… du temps où Paris ne comportait que douze arrondissements : son couple n’était donc pas passé à la mairie ! Et pourquoi forçat ? Parce que le conjugo, c’est le bagne, pardi ! Et le dictionnaire de nous révéler des significations nouvelles pour les mots amande, chaussette, défaite ou limace, de recenser de merveilleuses expressions (être bleu de quelqu’un, avoir la bébête qui chatouille, ruer dans les brancards, tousser sur le seuil ou fêter Saint Luc), sans parler de mots inconnus, telle la pastiquette ou le sadinet : sa lecture au hasard est un délice, et l’on se réjouit de son exhaustivité et de son épaisseur (plus de 920 pages). Curieusement, l’autrice a choisi de classer les entrées par thèmes : ils sont au nombre de 17, de Artisanat et métiers à Voyages et moyens de transport. Si les index et la bibliographie sont très fournis, ce choix de classement ne simplifie pas la recherche d’un mot : ainsi l’acception québécoise de gosses nécessite une longue recherche avant que d’être débusquée (quête qui permet de réjouissantes découvertes, au point d’en oublier la recherche initiale). Cette critique mineure mise à part, quel bonheur de trouver tant de façons de désigner les objets du culte (comme la frisée ou le cigare à moustaches) ou de comprendre qu’avoir poivré quelqu’un était ignoble, puisqu’il s’agissait de lui avoir refilé la petite vérole ! Les différentes pratiques sexuelles sont abordées avec rigueur, et l’on découvre au fil des pages des expressions francophones du monde entier. Ce dictionnaire est une merveille.